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Le principe de fraternité est celui qui, regardant comme solidaires les membres de la grande famille, tend à organiser un jour les sociétés, œuvre de l’homme, sur le modèle du corps humain, œuvre de Dieu, et fonde la puissance de gouverner sur la persuasion, sur le volontaire assentiment des cœurs.

L’autorité a été maniée par le catholicisme avec un éclat qui étonne ; elle a prévalu jusqu’à Luther.

L’individualisme, inauguré par Luther, s’est développé avec une force irrésistible ; et, dégagé de l’élément religieux, il a triomphé en France par les publicistes de la Constituante. Il régit le présent ; il est l’âme des choses.

La fraternité, annoncée par les penseurs de la Montagne, disparut alors dans une tempête, et ne nous apparaît aujourd’hui encore que dans les lointains de l’idéal ; mais tous les grands cœurs l’appellent, et déjà elle occupe et illumine la plus haute sphère des intelligences.

De ces trois principes, le premier engendre l’oppression par l’étouffement de la personnalité ; le second mène à l’oppression par l’anarchie ; seul, le troisième, par l’harmonie, enfante la liberté. Liberté ! avait dit Luther ; liberté ! ont répété en chœur les philosophes du XVIIIe siècle ; et c’est le mot liberté qui, de nos jours, est écrit sur la bannière de la civilisation. Il y a là malentendu et mensonge ; et, depuis Luther, ce malentendu, ce mensonge ont rempli l’histoire ; c’était l’individualisme qui arrivait, et non la liberté.

Oh ! certes, quand on le considère dans son cadre historique, quand on le compare à ce qui précéda au lieu de le comparer à ce qui doit suivre, l’individualisme a l’importance d’un vaste progrès accompli. Fournir de l’air et du champ à la pensée humaine si longtemps