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fallait un prétexte : on le trouva dans l’hospitalité accordée par la Suisse aux réfugiés de diverses nations.

M. de Bombelles ne cessait d’écrire, sur les prétendues menées des proscrits italiens, des rapports propres à semer l’alarme. On parlait de réfugiés prêts à envahir à main armée le grand duché de Bade. L’Autriche affecta de grandes terreurs. Des représentations furent faites au cabinet des Tuileries sur la nécessité d’éteindre le foyer de conspirations allumé au cœur même de l’Europe. C’était en Suisse, disait-on, que les ennemis des trônes tenaient école de régicide : il y avait urgence à la fermer, cette école sanglante. Et quel prince y était plus intéressé que Louis-Philippe, environné de tant d’assassins ?

En même temps, M. de Metternich donnait à entendre que, si la France refusait d’agir contre la Suisse, l’Autriche, pour son compte, n’hésiterait pas.

M. Thiers voulut, sans déplaire à l’Autriche, l’empêcher d’intervenir, et il prit le parti d’intervenir lui-même par des injonctions hautaines et des menaces.

Ainsi, M. de Metternich réussissait au-delà de ses espérances. La France, devenue subitement la maréchaussée des rois absolus, consentait à prendre sur elle tout l’odieux d’une initiative brutale ; elle allait poursuivre jusque dans leur dernier asile quelques malheureux réfugiés, provoquer la Suisse, l’irriter, se la rendre hostile à jamais peut-être double triomphe pour le Cabinet autrichien, qui avait amené de la sorte le gouvernement de juillet, et à s’armer contre la liberté, et à détacher de lui,