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l’arrêt qui allait être rendu : Alibaud fut condamné à avoir la tête tranchée.

Ce procès et cette condamnation firent sur le peuple une impression profonde. Les uns tremblaient d’ajouter à la force contagieuse du fanatisme, s’ils laissaient percer pour le coupable le moindre sentiment de compassion ; ils craignaient que les esprits faibles ne prissent pour une apologie de l’attentat l’intérêt manifesté au coupable, et, sous l’empire de cette crainte, ils s’abstenaient. Quelques-uns, plus passionnés, maudissaient Alibaud à cause de ses vertus, après l’avoir maudit à cause de son crime : moins convaincu et moins courageux, ils l’eussent poursuivi d’une haine moins ardente. D’autres enfin jugeaient que la vérité est inviolable dans tous les cas, et que l’assassinat est en soi assez odieux pour qu’on se dispense d’être injuste même à l’égard d’un assassin ; ils s’apitoyaient donc sur la jeunesse d’Alibaud, si déplorablement égarée, sur sa sensibilité pervertie, sur son courage ; ils songeaient à ce que le condamné avait souffert, et à cette expiation si prochaine, si formidable !… Les accusations de vol et d’imposture lancées contre lui étonnaient aussi les âmes généreuses. Alibaud était-il un voleur pour s’être élancé au-devant d’une mort certaine, armé d’un instrument dont il n’avait pas payé le prix, et léguant à ses amis les modiques dettes de sa misère ? Eh quoi ! pour Fieschi des flatteries pleines de scandale ! pour Alibaud tous les genres d’outrage ! À quoi bon, d’ailleurs, injurier un homme au moment où l’échafaud le réclame, et quand Dieu déjà pèse sa vie ? Armand Carrel rap-