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sion, après avoir participé en 1834 à l’expédition tentée contre la Savoie, ont osé reparaître en Suisse, et ceux qui plus récemment ont abusé de l’hospitalité helvétique en s’associant à des complots contre la tranquillité des États limitrophes. M. le président du Directoire, sollicitant à cette occasion un nouveau témoignage de l’intérêt amical dont la France s’est déjà plu à donner tant de preuves à la Confédération, a exprimé, au nom du Vorort, le désir de voir le gouvernement du roi seconder ses intentions en donnant passage à travers le royaume aux réfugiés qui devront quitter la Suisse.

Le soussigné, s’étant empressé de mettre cette communication sous les yeux du gouvernement, a reçu l’ordre d’y répondre de la manière suivante :

Le gouvernement du roi a vu avec plaisir une démarche aussi conforme à la tranquillité intérieure de la Suisse qu’à l’intérêt bien entendu de ses rapports de droit international, et il n’a pas été moins satisfait de retrouver dans le discours prononcé par M. le président du Directoire, à l’ouverture de la Diète fédérale, les principes de la saine et loyale politique qui ont inspiré cette sage résolution. Constamment animé des sentiments de la plus sincère amitié pour la Suisse, et toujours prêt à lui en renouveler les témoignages, le gouvernement de Sa Majesté n’a point hésité à prendre en considération la demande qui fait l’objet de la note de S. E. M. l’avoyer Tscharner, et le Directoire peut compter, en cette occasion, sur le concours bienveillant que l’administration française s’est déjà fait un devoir de lui prêter dans des circonstances analogues. Le soussigné est d’ailleurs autorisé à déclarer que le gouvernement du roi, pour rendre plus facile à la Suisse l’acccomplissement d’un devoir impérieux, consent à accorder aux réfugies dont l’expulsion aura lieu, les moyens pécuniaires propres à subvenir à leur subsistance pendant un certain temps à partir du jour de leur embarquement dans un des ports du royaume.

Il importe dès-lors que les mesures ordonnées par le Vorort s’exécutent ponctuellement. On ne saurait d’ailleurs prévoir qu’il puisse renaître, sur quelque point de la Confédération, des susceptibilités semblables à celles qui s’élevèrenf en 1834, en matière de droit d’asile. De tels scrupules seraient il faut le dire, moins fondés que jamais, et dénoteraient seulement une appréciation peu réfléchie d’une question sans doute très-délicate, mais dont ici les termes ne sauraient avoir et n’ont assurément rien d’équivoque.

En effet, ce n’est pas le gouvernement du roi qui pourrait méconnaître ce que le droit d’asile a de réel et de sacré. La France et l’Angleterre ne l’exercent pas moins généreusement que la Suisse, et certes il est loin de leur pensée de vouloir le lui contester. Mais, comme tout autre, ce droit a ses limites et suppose aussi des devoirs à remplir. Il ne peut, il ne doit exister qu’à la condition indispensable que l’application n’en aura rien de contraire aux règles non moins sacrées du droit des gens, c’est-à-dire à la sécurité des autres États, laquelle a des exigences plus ou moins légitimes, plus ou moins impérieuses, suivant la situation géographique