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quoi de plus propre à absorber les préoccupations d’un chef d’État ! Cependant, au milieu de tant de complications qui tenaient l’Europe en haleine et dont le sort du monde dépendait peut-être, Louis-Philippe poursuivait d’une âme attentive la dotation d’un de ses fils. Ce n’est pas qu’il ignorât combien les demandes d’argent étaient odieuses à une Chambre bourgeoise. Mais il espérait l’emporter à force de persévérance. Que risquait-il ? L’affaiblissement moral de la monarchie ? Son caractère ne le portait pas à tenir compte des résultats éloignés. La chute du Cabinet ? Il s’en inquiétait peu depuis que le rappel du général Sébastiani, son homme de confiance, était venu lui révéler dans les ministres des inspirations d’indépendance. D’ailleurs, M. Passy avait une fierté prompte à s’émouvoir ; M. Dufaure, dans la vie publique, était rude et sombre ; M. Teste semblait avoir gardé de sa jeunesse proscrite un certain fonds de libéralisme : c’en était assez pour que le roi les sacrifiât sans regret à la chance de voir le duc de Nemours doté richement et nanti.

Le Cabinet ne crut pas devoir résister aux désirs de ce roi, père de famille. Ce fut sa perte. À peine le public eut-il vent de la demande qui tendait à faire accorder au duc de Nemours une rente annuelle de 500,000 francs, sans compter 500,000 francs pour les frais de son mariage avec la princesse Victoire de Saxe-Cobourg, que de toutes parts l’opinion s’enflamma. Le roi était-il si pauvre qu’il ne pût lui-même doter ses fils ? Où s’arrêterait-on ? Après le duc d’Orléans était venu le duc de Nemours : après