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lucide rapport de M. Jouffroy sur la nécessité d’accorder aux ministres dix millions pour augmenter nos forces dans le Levant : le 1er  juillet, date de la mort de Mahmoud, la discussion s’ouvrit. Et jamais débats ne présentèrent un semblable caractère de grandeur.

Le duc de Valmy commença. Son discours ne fut qu’une amère critique de la conduite du gouvernement français, et, malheureusement, la critique était juste. M. de Valmy n’eut pas de peine à prouver que le gouvernement français avait pris, dès l’origine, en Orient, une situation fausse et équivoque ; qu’il avait créé par la convention de Kutaya un provisoire mortel ; qu’il avait trop favorisé Méhémet-Ali pour ne pas perdre crédit dans les conseils de la Porte, et qu’il avait trop vacillé dans ses prédilections pour ne pas se compromettre auprès du vice-roi ; qu’en un mot, il en était venu à avoir Constantinople contre lui, sans avoir pour lui Alexandrie. Au fond, l’orateur légitimiste aurait voulu, en haine des révolutions, qu’on immolât le pacha d’Égypte au sultan. C’était aussi ce qu’aurait voulu M. Denis (du Var), convaincu que la Turquie n’était pas aussi épuisée qu’on le croyait, et qu’il y aurait pour nous à la relever autant de profit que d’honneur.

Tout autre était le système de M. de Carné. À la légitimité morte d’un droit condamné par les batailles, la civilisation et le destin, il opposait la vivante et féconde légitimité du fait. Il saluait dans Méhémet-Ali le régénérateur d’une race que mal-à-propos on avait jugée éteinte. Selon M. de Carné,