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chaîné dans une rage inutile. Et au moment même où, par le signal de la guerre, il venait de s’affranchir, la vie l’abandonna. Il y avait eu défaut d’équilibre entre ses facultés : ce fut son mal. Il remua le monde autour de lui et n’enfanta que sa propre ruine, parce qu’il avait des lumières incomplètes avec de vigoureuses passions, et qu’une intelligence médiocre égarait, en rabaissant, la puissance de son cœur.

Mais, dans les desseins de la Providence, un pareil hommè était bon sans doute pour frayer les voies à la communion de l’Orient et de l’Occident. Mahmoud concourut — et il ignorait probablement la portée de son rôle — à ce travail moderne d’unité qui, faisant peu à peu disparaître l’originalité des races, la différence des traditions, la diversité des habitudes et des costumes, l’opposition des intérêts, les distances même, tend à constituer harmonieusement la grande famille humaine sur les débris du vieux monde, si plein d’éléments de lutte et si morcelé. Spectacle unique et vraiment merveilleux ! En un pays où les changements de règne n’avaient admis jusqu’alors d’autre intervention extraordinaire que celle des complots d’eunuques ou des coups de poignard, c’était à un enfant de dix-sept ans que Mahmoud laissait l’héritage de son empire écroulé à demi… et, grâce au principe de solidarité universelle nouvellement introduit dans l’histoire, il advint que cet enfant eut l’Europe entière pour tutrice.

Le 24 juin, date de la bataille de Nézib, la Chambre des députés, en France, avait entendu un