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des Tuileries, un espoir auquel on n’avait jamais eu le courage de renoncer. Après le service qu’on venait de rendre à la politique du Continent, on se crut en droit de demander une place dans la famille des souverains, et la royauté de juillet se mit à vivre tout entière dans le roman de ses désirs.

Le duc d’Orléans, fils aîné du roi, était jeune, bien fait, d’un esprit agréable, d’une figure régulière, et, quoique peu expressive, attirante. Destiné, selon des apparences dont l’orgueil humain ne devine jamais le mensonge, à porter un jour la plus brillante couronne de l’univers, il avait joui de bonne heure de cette grandeur élégante et de ce frivole éclat, éternel enchantement du cœur des femmes. Le célibat n’ayant plus rien à lui promettre en plaisirs imprévus et en poétiques fantaisies, il rêva un mariage dont la splendeur compensât les devoirs austères, et ses vœux firent choix d’une archiduchesse d’Autriche. Rien ne pouvait plaire davantage à la famille royale, qui brûlait de rentrer en grâces auprès de l’Europe monarchique. Mais n’y avait-il pas en un tel espoir excès de témérité ? Irait-on affronter l’humiliation d’un refus ? M. Thiers avait trop de sagacité pour s’abandonner sans réserve à une politique d’illusions. Il pressentit une réponse pleine de dédains, et ne crut pas devoir s’en cacher. Avec plus de hardiesse dans l’esprit et de hauteur dans l’âme, il eût donné à la famille royale les seuls conseils vraiment dignes d’être suivis il lui eût représenté que courir après des alliances contre-révolutionnaires, c’était s’amoindrir gratuitement ; qu’après une révolution comme celle de juillet, et