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mais quoi de plus beau que d’immortaliser sa jeunesse par la prudence !

M. Thiers vivait, sans se l’avouer, sous le charme de ces adroites insinuations, lorsque, au nom de la Quadruple-Alliance, lord Palmerston invita formellement la France à coopérer avec l’Angleterre au salut de l’Espagne, en occupant le port du Passage, Fontarabie et la vallée de Bastan.

L’embarras de M. Thiers dut être immense. D’une part, on ne lui demandait que ce qui avait toujours fait l’objet de ses plus chères pensées et formait le fond de sa politique. Mais, de l’autre, intervenir en Espagne, même dans les limites proposées, n’était-ce pas rompre d’une manière dénnitive avec la politique du Continent ? et lord Palmerston valait-il qu’on lui sacrifiât la mielleuse amitié de M. de Metternich ? Intervenir en Espagne ! Mais qu’en penserait cette diplomatie de boudoir dont M. Thiers aimait tant l’approbation ? Qu’en penserait le roi ? Qu’en penserait M. de Talleyrand, devenu le plus violent adversaire de l’alliance anglaise ? Aussi bien, M. Thiers se disait que, dans le Conseil, personne, excepté lui et M. Passy, n’était d’avis de l’intervention. Il se décida en conséquence ; et, le 18 mars, il adressa au général Sébastlani, qui avait remplacé M. de Talleyrand à Londres comme ambassadeur, une dépêche par laquelle la demande d’intervention était repoussée.

La dépêche exposait qu’une coopération de la nature indiquée conduirait irrésistiblement la France à des mesures plus décisives ; que l’intervention et les immenses sacrifices qui en devaient résulter