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les réfugiés sont traqués avec une rigueur inouïe ; on maltraite plusieurs habitants on menace de la prison ou de l’amende quiconque recèlera un proscrit la main des étrangers pèse sur le gouvernement, trop faible pour désobéir et réduit à trembler : l’indépendance de Cracovie a complétement disparu.

L’occupation militaire de cette ville avait eu lieu le 17 février, et c’était le 22 que M. Thiers avait été nommé ministre des affaires étrangères. Quel parti allait-il prendre ? Honorerait-il son entrée aux affaires par un acte de décision et de vigueur ? On ne craignait rien de semblable, ni à Saint-Pétersbourg, ni à Berlin, ni à Vienne. On s’en fiait du maintien de la paix à une volonté plus puissante que celle du nouveau ministre ; et, d’ailleurs, M. Thiers lui-même, par des raisons qu’on verra plus bas, commençait alors à pencher vers la politique du continent et à se détacher de l’Angleterre. Le pousser de plus en plus sur cette pente, tel était le mot d’ordre donné à MM. de Werther, d’Appony et de Pahlen. Ils lui firent donc part de l’occupation de Cracovie, en le priant de remarquer qu’aucune communication analogue n’avait été et ne serait faite au Cabinet de Saint-James, attendu que la Russie, l’Autriche et la Prusse tenaient à marquer au gouvernement français par cette différence de procédés, combien elles prisaient sa modération et sa sagesse. Ainsi, d’une part, on masquait sous un vain témoignage de déférence ce que la récente bravade avait d’excessif ; et, de l’autre, on essayait de semer entre M. Thiers et lord Palmerston des