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comme les Puissances du continent ne prenaient, pour agir, conseil que d’elles-mêmes, elles donnèrent sans plus de retard le signal de l’insulte. Le 9 lévrier, puisant un prétexte dans quelques troubles éphémères dont la fête de l’empereur de Russie venait d’être l’occasion, elles sommèrent, par leurs résidents, le Sénat de Cracovie d’expulser, dans le délai de huit jours, du territoire de la république, tous les réfugiés qu’elles tenaient pour dangereux, Polonais ou autres. La résistance eût été insensée, l’hésitation même était impossible. M. Wieloglowski, président du Sénat, se borna donc à représenter, dans une note suppliante, que, parmi les réfugiés qu’on frappait d’un coup si terrible et si imprévu, plusieurs avaient contracté depuis long-temps, à Cracovie, des relations de famille ou de fortune. Ne pouvait-on leur laisser, au moins, le temps indispensable au règlement de leurs affaires ? Les trois Cours furent inflexibles. Le délai de rigueur fut maintenu, et, comme il était insuffisant, dès le 17 février, les soldats autrichiens entrèrent dans Cracovie, les armes à la main et la menace sur le front.

Ce fut un véritable scandale européen. Jamais les traités n’avaient été violés, à la face du monde, d’une manière aussi brutale. Et il est à remarquer que le traité qu’on violait ici, c’était précisément celui sur l’inviolabilité duquel la Russie, la Prusse, l’Autriche, faisaient reposer leurs usurpations de 1815. Car, par l’article 6 de l’acte du congrès de Vienne, Cracovie avait été déclarée ville libre, indépendante, strictement neutre, sous la protection des trois Puissances ; et, pour ôter d’avance tout prétexte