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et M. Thiers n’avait cessé d’avoir auprès du prince un facile accès : il crut remarquer qu’on essaya de l’éloigner dès que M. de Talleyrand fut tombé malade.

Le 17 mai, les signes d’une mort prochaine devenant visibles, on présenta au prince, pour qu’il y apposât sa signature, la déclaration, objet de tant de craintes, de tant d’espérances. Il signa. Peu de temps après, le roi parut, et l’on raconte que, touché d’une telle visite, le gentilhomme à l’agonie exprima sa satisfaction en ces termes : « C’est le plus grand honneur qu’ait jamais reçu ma maison. » On raconte aussi — et c’est par des ecclésiastiques que le fait, quelque invraisemblable qu’il soit, a été sourdement propagé — que le roi ayant demandé à M. de Talleyrand s’il souffrait, et celui-ci ayant répondu : « Oui, comme un damné, » M Louis-Philippe laissa tout bas échapper ce mot: « Déjà ? » a mot que le mourant aurait entendu, et dont il se serait sur-le-champ vengé en donnant à une des personnes qui l’entouraient des indications secrètes et redoutables.

Vint l’heure suprême. La gangrène montait des entrailles vers la tête : les secours de l’Église furent apportés, et l’on récita les prières des agonisants. Le nombre des visiteurs de marque était considérable, et nul obstacle n’était mis à leur admission, la duchesse de Dino ayant intérêt à ce que les derniers moments du prince fussent entourés d’une publicité solennelle et incontestable. Or, parmi les personnages présents, quelle diversité de sentiments, de préoccupations, de discours ! Quelques-uns s’affligeaient de l’appareil catholique de cette