Sur cette terrasse élevée d’où l’on domine Paris, il nous semble le voir encore avec sa haute taille et sa figure de chef arabe, la tête découverte, le bras étendu, l’œil plein de flamme, les cheveux agités par le vent, le sommet du front éclairé par les rayons du soleil qui descendait à l’horizon dans une vapeur embrasée… Non, jamais homme n’eut un aspect plus majestueux et jamais pensées venues du cœur ne revêtirent des formes plus solennelles et plus nobles ! Le lendemain, nous allâmes entendre M. Arago à la Chambre, et nous eûmes de la peine à le reconnaître, tant il paraissait attentif aux murmures imbéciles que l’éloge du peuple arrachait à l’assemblée !
Les éminentes qualités de M. Arago n’étaient pas, du reste, sans mélange. Se proposer un but invariable et unique, savoir concentrer son activité, ménager prudemment ses alliances et ses ressources, se faire des créatures par un système suivi d’attentions prévoyantes et d’égards patients, ne se donner d’autres ennemis que ceux qu’il est bon d’avoir, voilà ce qui importe à un chef de parti, dans une société qui balance entre le goût du changement et la peur des crises. Or, M. Arago avait moins de persévérance que de fougue il se laissait trop aisément distraire de la poursuite d’un grand dessein par des préoccupations secondaires ; il diminuait lui-même, en les répandant sur trop d’objets à la fois, les forces de sa volonté ; il ne connaissait qu’à demi l’art de discipliner sous lui la résistance intrépide et fidèle dans ses amitiés, il ne cherchait pas assez à gagner les indifférents, et sa