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en habits de fête. Rien de comparable à l’ardeur du soldat. On allait donc couvrir de l’éclat d’un grand succès les revers de la campagne précédente ! Là se trouvaient des officiers qu’excitait le souvenir de la mort d’un ami. Le capitaine Richepanse était accouru pour venger la mort de son frère.

L’armée se mit en marche. On savait, par une cruelle expérience, que les plaines à traverser étaient entièrement nues ; qu’elles n’offraient ni arbres ni buissons dont on se pût servir pour les feux de bivouac. Aussi, le soldat avait-il ajouté un petit faisceau de branches au fardeau dont il était chargé : fardeau énorme qui se composait d’une ration de vivres pour douze jours, de cent-vingt cartouches, d’une provision de sucre, de sel, de café, de linge, et d’une giberne, sans compter une longue canne sur laquelle chaque homme appuyait la main droite, et le fusil que portait la main gauche. Mais il y avait chez tous une vigueur morale qui défiait la fatigue, et la plus belliqueuse impatience éclatait dans les rangs. Toutefois, la première journée fut menaçante. Il fallait gagner des régions très-élevées, il fallait monter à travers des couches d’atmosphère chargées d’humidité et de plus en plus froides. Au col de Ras-el-Akba, la pluie commença. Bientôt, sur la terre e détrempée, les voitures eurent de la peine à se traîner et le lieutenant-général Valée, qui commandait l’artillerie, fut aperçu à pied, un fouet de conducteur à la main, animant la marche. Ainsi semblaient se reproduire les sinistres présages de 1836. Les images funestes ne manquèrent pas, d’ailleurs, le long de la route. À mesure que nous