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de toute manière, entre les mains et à la disposition d’un seul homme, quelque prince qu’il soit, et, selon les temps, menaçante tantôt pour la liberté, tantôt pour le pouvoir lui-même. Car l’histoire ne sera que juste, Monseigneur, lorsqu’elle dira que l’emploi révolutionnaire que votre aïeul fit de sa prodigieuse fortune contribua plus que toute autre chose au renversement du trône de Louis XVI, son parent et son maître. Cette fatalité de bonheur pécuniaire qui s’attache obstinément à ses pas poursuivit votre famille jusque dans l’exil. Car, tandis que les autres émigrés mouraient de faim à l’étranger, la duchesse d’Orléans, votre grand’mère, recevait une grosse pension de la république française, et, vers le même temps, le trésor payait, à la décharge de votre père émigré, plus de 40 millions de dettes. 40 millions ! Quelle brillante anticipation de liste civile ! Ce n’est pas tout : Louis XVIII, à peine débarqué d’Angleterre, vous remit, sur vos vives prières, par une ordonnance de bon plaisir, ce qui restait entre les mains de la nation des biens non vendus de l’apanage d’Orléans, apanage irrévocablement aboli, non par les lois de 1795 sur l’émigration, mais par l’article 2 de la loi du 21 décembre 1790 sur les apanages. Pour excuser cette insigne violation des lois, on a prétendu que Louis XVIII était alors omnipotent. Mais avec ce beau raisonnement-là on aurait pu dépouiller, pour vous enrichir, le premier citoyen venu, comme on dépouillait l’État… La loi sur l’indemnité des émigrés, qui semble avoir été