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jour. Dans les campagnes du département de l’Aude, un commencement de disette se faisait sentir. On citait, dans l’arrondissement de Limoux, deux cantons dont les habitants venaient d’émigrer pour se répandre, affamés, dans les plaines du Roussillon et du Bas-Languedoc. On racontait même qu’une famille du village de Charnus, situé au cœur des montagnes, voyant ses provisions épuisées, avait tué un cheval, dont elle s’était nourrie. Dans FAriège, la mendicité était telle, que les pauvres erraient par troupes, la besace sur le dos, le long des routes. Des mendiants, dans le canton d’Ax, moururent de faim. La Normandie fut désolée, vers le même temps, par un affreux sinistre un vent violent du nord-est ayant poussé la mer avec force contre les portes de flot de Pont-de-Vey, les eaux de la Vire, grossies par la fonte des neiges et par des pluies abondantes, franchirent brusquement les digues, inondèrent les marais de Dommartin, de Graignes, de Saint-Fromond, entraînant et noyant les bestiaux. Enfin, l’on écrivait de Lyon les lignes suivantes, que beaucoup de journaux reproduisirent : « Aujourd’hui plus que jamais la misère ici est à son comble. Le gouvernement croit-il qu’on meurt de faim comme d’un coup d’épée, sans agonie ? Croit-il que le spectacle récent de cette pauvre mère qui se traîne sur la place Bellecour pour y rendre le dernier soupir soit de nature à conseiller la résignation ? Pendant six jours, cette malheureuse, qui n’avait rien à manger, a nourri son enfant. Ses forces épuisées, son lait s’est tari. Alors, ras-