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tionnaireM. Molé se rendit, mais non sans humeur et l’on finit par s’arrêter à trois projets de loi marqués évidemment à la même empreinte. Le premier portait que, lorsque des crimes prévus par certaines lois déterminées auraient été commis en commun par des militaires et des individus appartenant à l’ordre civil, ceux-ci seraient renvoyés devant les tribunaux ordinaires et ceux-là devant les conseils de guerre. Le second demandait qu’on établît à l’île Bourbon une prison destinée à recevoir les citoyens déportés. Le troisième menaçait de la réclusion quiconque ne révélerait pas, en ayant connaissance, les complots formés contre la vie du roi.

En même temps, et comme pour rendre profitables à la fortune du roi les dangers que courait sa personne, les ministres conviaient la Chambre à constituer au duc de Nemours un riche apanage et à donner à la reine des Belges, sur l’argent des contribuables, une dot d’un million.

La première de ces trois lois, restée célèbre sous le nom de loi de disjonction, était une œuvre de colère, une revanche cruelle du verdict de Strasbourg : elle révolta la conscience publique. Quoi donc ? Pour un même crime des juges différents ! La division des causes dans la connexité des délits ! Et qui sait ? À deux pas du tribunal par qui des soldats coupables de rébellion seraient condamnés à mort, un autre tribunal qui acquitterait leurs complices ! L’opposition à la Chambre fut terrible. M. Dupin aîné commença l’attaque avec une verve sans égale et une autorité qu’il puisait dans son dé-