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dire sans exagération que Napoléon le couvrait encore de son ombre, Louis Bonaparte se croyait destiné tout à la fois à soutenir l’honneur de son nom, à punir les persécuteurs de sa famille, à ouvrir à son pays abaissé quelque issue vers la gloire.

Du reste, et bien qu’il se posât en prétendant, la démocratie lui paraissait une puissance trop redoutable pour qu’il se crût dispensé de compter avec elle. Son dessein était donc d’essayer du prestige de son nom pour renverser la dynastie d’Orléans, sauf à convoquer ensuite le peuple pour le consulter et lui obéir.

Que ce respect pour le principe de la souveraineté populaire fût, de la part du jeune prince, parfaitement sincère et loyal, rien de plus certain ; mais la part que, dans son désir, il faisait à son ambition, n’en était point pour cela moins grande. Héritier de la tradition impériale, pourrait-il n’être pas désigné par le peuple, surtout lorsqu’il lui apparaîtrait entouré de l’éclat d’une révolte heureuse ? Voilà ce que Louis Bonaparte ne mettait pas en doute, bien convaincu que toute révolution, dans des temps d’ignorance et d’incertitude, s’accomplit suivant le programme, adopte le drapeau avec lequel on l’a commencée, et tourne aisément au profit du gouvernement provisoire qui se présente le lendemain.

Mieux inspiré, plus magnanime, il eût cherché la gloire dans un désintéressement absolu, et peut-être y eût-il trouvé le succès. Mais l’éducation que reçoivent les princes ne les porte pas à d’aussi hautes pensées !