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Dans sa frayeur, elle courut se réfugier chez un vieux bourrelier nommé Morey, avec lequel son amant avait eu des relations fréquentes. Celui-ci la reçut affectueusement, la rassura, la conduisit dans un asile qu’il croyait sûr, et ne la quitta qu’après lui avoir promis de revenir le lendemain. Il revint en effet suivi d’un commissionnaire qui portait une malle mystérieuse ; et ce fut par là que tout se découvrit. Cette malle avait appartenu à l’assassin et avait été portée, quelques heures avant l’attentat, chez un ouvrier marbrier, avec ordre de ne la remettre qu’à Morey. On n’eut pas de peine à connaître l’itinéraire de la malle, par les commissionnaires auxquels elle avait été successivement confiée ; et, le 3 août (1835), l’asile de Nina Lassave était envahi par les agents de la force publique. À leur aspect, elle essaya de se tuer, mais on enchaîna son désespoir. Alors elle tira de son corset une lettre qui contenait ces mots « Vous êtes prié de ne plus aller « voir Nina elle n’existera plus dès ce soir. Elle « laisse dans la chambre la chose dont elle était dépositaire. Voilà ce que c’est que de l’avoir abandonnée. Adieu. » Interrogée, Nina Lassave refusa quelque temps de s’expliquer. Enfin elle avoua que c’était Morey qui avait fait porter la malle chez elle, et que c’était à lui qu’était destiné le billet.

Morey nourrissait contre les rois une haine contenue. Ame violente et profonde dans un corps usé par l’âge, il parlait peu, et possédait cette sinistre puissance que donnent une passion unique et le mépris de la mort. On l’arrêta, et il fut traîné devant le juge d’instruction. Mais là il se montra si