choses essentiellement distinctes ; il oubliait que la centralisation n’est utile, féconde, nécessaire même, qu’en matière d’intérêts généraux, c’est-à-dire en matière de religion, d’enseignement, de direction morale par les fêtes ou les spectacles, d’industrie, de travaux publics ; qu’elle est au contraire étouffante et funeste, appliquée aux intérêts d’une nature spéciale, aux intérêts locaux. Nous avons eu ailleurs occasion de le remarquer : la centralisation politique, c’est la force ; la centralisation administrative, c’est tôt ou tard le despotisme. Malheur au pays où la liberté politique ne se lie pas intimement à la liberté municipale ! Car c’est par l’exercice régulier et continu de sa puissance sur tous les points du sol que le peuple s’entretient dans le sentiment de sa dignité. En perdant l’usage fréquent de ses facultés, il arrive à perdre la conscience de sa force, et de l’indifférence il tombe dans l’hébétement. Là où une autorité centrale se fait dépositaire, même des intérêts locaux, la vie publique, violemment refoulée au même lieu, y devient confuse et tumultueuse, tandis que partout ailleurs elle est inerte. Le cœur de la société bat trop vite ; et les membres, desquels s’est retiré tout le sang, restent sans vigueur et glacés. Quand, sous Dioclétien, le pouvoir central des empereurs se fut infiltré dans l’administration, quand des fonctionnaires accourus de Rome eurent fait intervenir la volonté impériale dans toutes les mesures locales : dans la construction d’une fontaine, l’affranchissement d’un esclave, la nomination d’un magistrat local, l’empire se précipita vers sa ruine. Ne trouvant plus dans le libre
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