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et pourtant, un article qui avait pour but de les répandre fut rédigé à Paris, envoyé à Marseille pour qu’on en soupçonnât moins facilement la source, et publié dans le Garde National. M. Laffitte fut blessé jusqu’au fond du cœur, mais il sut se renfermer dans une réserve pleine de calme et de dignité.

    publiques. La présidence effective du conseil lui fut offerte ; il refusa d’abord. Résistance vaine ! Il y avait quelque chose d’irrésistible dans les supplications du roi. —Pourquoi lui avait-on donné une couronne, si l’on avait entendu le livrer ensuite sans défense à tant de haines conjurées ? M. Laffitte, qui avait tant fait pour lui, refuserait-il de lui donner, au moment du péril, sa popularité pour rempart ? Nul ne consentait à être ministre ; nul ne pouvait apporter la royauté, en entrant aux affaires, une force morale assez grande. Le roi des Français n’avait donc plus qu’a descendre de son trône solitaire, de son trône ébranlé ! Fallait-il « qu’il se retira à Neuilly ou qu’il se précipitât dans la Seine ? » — M. Laffitte céda, se vit traité comme un sauveur par le monarque, par madame Adélaïde, par toute la famille royale ; et le ministère du 3 novembre s’installa.

    Cependant les affaires privées de M. Laffitte ne tardèrent pas, comme il l’avait prévu, à souffrir de son rôle ministériel. D’ailleurs, une circonstance imprévue le poussait à quitter la scène politique. Lors de la vente de la forêt de Breteuil, il avait été convenu verbalement, entre le roi et M. Laffitte, que l’acte ne serait point enregistré. Nous avons raconté (Voir le 2e volume, page 158) comment fut violée cette clause importante du contrat. L’enregistrement ébruita la vente : on crut la maison Laffitte embarrassée. Les demandes de remboursement affluèrent ; et, pressé de toutes parts M. Laffitte dût emprunter sept millions à la banque de France. La crise qui troublait le monde commercial et qui, par ses motifs que nous venons de dire, pesait plus spécialement sur la maison Laffitte, avait rendu cette ressource insuffisante. M. Laffitte résolut de nouveau d’abandonner son portefeuille. Mais M. Casimir Périer, qui se réservait pour des temps moins orageux, M. Casimir Périer intervint. Invoquant tour-à-tour l’intérêt du monarque et celui de la France, il conjura M. Laffitte de rester au timon des affaires. « La Banque, lui dit-il, vous prêtera encore six millions, et le roi vous servira de caution. » M. Casimir Périer savait, en effet, par les associés de M. Laffitte, que, pour se soutenir, sa maison n’avait pas besoin d’une somme plus considérable. M. Laffitte repoussa long-temps, et avec beaucoup de fermeté, les avances qui lui étaient faites ; mais le roi l’avait mandé au château : il