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l’égard de M. Laffitte, le roi lui avait tendu a plusieurs reprises une main secourable, comme le disaient assez, et la forêt de Breteuil achetée dix millions bien qu’elle n’en valût pas huit, et un prêt de six millions fait à M. Laffitte par la Banque, sous la caution du roi, qui avait déjà dû s’exécuter dans trois paiements successifs pour une portion de la somme garantie. Rien n’était plus faux que ces assertions[1] ;

  1. Il est temps que, sur ce débat célèbre, la vérité soit enfin connue. Mais il faut reprendre les choses d’un peu plus haut.

    Quelque ébranlement qu’eût imprimé au crédit commercial de M. Laffitte cette révolution à laquelle il n’avait su trouver qu’un dénoûment dynastique, sa maison était trop solidement assise pour ne pas résister au choc qui alors renversa tant de fortunes. Mais c’était trop peu d’avoir créé une royauté, il importait de la soutenir. Nous avons raconté les agitations qui remplirent les premiers jours de la révolution. L’émeute allait frapper à toute heure aux portes du Palais-Royal. Sur les places publiques, dans les rues, on n’entendait que le bruit du rappel se mêlant aux clameurs d’une foule en délire. L’atmosphère, s’il est permis de s’exprimer ainsi, était chargée de passions ; et les courriers lancés sur toutes les routes de l’Europe n’apportaient pas une nouvelle qui ne contint un soulèvement. Le premier ministère allait tomber d’impuissance et de peur le sol tremblait de toutes parts autour du trône nouveau la famille royale était éplorée le roi croyait entendre déjà sonner l’heure de sa chute, si voisine de son avènement : on eut recours à M. Laffitte.

    L’empressement grossier qu’on mit plus tard à envahir le pouvoir, on le mettait alors à s’en éloigner. Mais M. Laffitte avait des raisons particulières pour fuir le tourbillon des affaires publiques sa maison avait besoin de son activité, de ses soins ses associés le pressaient de renoncer à des grandeurs au fond desquelles devait, selon toute apparence, se trouver sa ruine. M. Laffitte, à cette époque, était président de la chambre des députés ; et, quoique ministre sans portefeuille, nul, parmi les membres du conseil, n’était plus occupé que lui. Il voulut rentrer dans la vie privée. Le roi, auquel il était encore nécessaire, n’épargna rien pour le retenir et ce fut alors qu’eut lieu la vente de la forêt de Breteuil. Le prix en fut fixé à dix millions mais afin que le roi, dans tous les cas, ne s’engageât point au-delà de ce qui était raisonnable, on stipula dans l’acte que l’acheteur aurait le droit de faire expertiser la forêt, droit que le vendeur ne se réservait pas à lui-même.

    S’il y eut là un service rendu à M. Laffitte, ce service fut chèrement payé. Car il ne servit qu’à engager M. Laffitte plus avant dans les affaires