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chaque membre alla déposer son vote dans l’urne, au milieu d’une confusion extrême. Le résultat était prévu. 204 voix sur 304 condamnèrent le gérant de la Tribune à trois ans de prison et à dix mille francs d’amende.

Mais la vengeance ne se fit pas attendre. Il y avait à la Chambre 122 députés fonctionnaires, lesquels touchaient annuellement, en traitements légaux, plus de deux millions, et cela pour des fonctions qu’ils ne pouvaient remplir, témoin M. d’Estôurmel, député du Nord et ministre à la Colombie : la Tribune mit vivement en relief ce fait monstrueux et montra que les 122 députés recevaient, en traitements qu’ils ne gagnaient point, la subsistance de plus de huit mille citoyens pauvres. Le droit sur les fers, fontes et aciers, provenant des pays étrangers, avait été, pour l’année, de 2 millions 380,000 francs, impôt énorme et désastreux levé sur l’agriculture et sur toutes les industries pour qui le fer est un élément nécessaire de production : la Tribune affirma que cet impôt n’était maintenu que parce qu’il profitait à vingt-six députés ministériels, sans compter deux ministres, associés de M. Decazes dans l’exploitation des forges nouvelles de l’Aveyron. L’accusation monta plus haut encore. Au nom de la loi violée, au nom de l’intérêt public sacrifié à des scrupules de courtisan, le ministre des finances fut sommé de faire rentrer dans les coffres de l’État une somme de 3 millions 805, 607 fr., que, depuis trop long-temps, la liste civile devait au trésor. On rappela qu’au mépris des traditions les plus inviolables de la monarchie, Louis-Philippe,