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croire que votre colère contre nous soit l’unique mobile de ce procès ; non, lorsqu’il n’y a pas un sommeil qui ne puisse être interrompu par un courrier, vous ne nous persuaderez pas que vous vous endormiez à l’aide d’une audience. Vous êtes dans une mauvaise voie, mais vous y marchez, et ce procès termine votre session, parce qu’il commence ce qu’une autre doit exécuter. »

Par ces paroles, on le voit, M. Cavaignac agrandissait le débat ; il rattachait à un long et détestable complot contre les libertés publiques, ce qu’on aurait pu prendre pour un simple élan de colère de la part de quelques députés blessés dans leur orgueil ; en un mot, de la cause de la Tribune, il faisait celle de la nation tout entière.

Après lui, M. Marrast prit la parole, et, dans un discours agressif, mordant, plein d’impétuosité, de verve, de couleur, il traça l’histoire de la corruption telle que le régime constitutionnel l’avait enfantée, telle qu’il la rendait nécessaire. Cette histoire, M. Marrast la résumait en ces termes : « La Chambre qui consentit aux tribunaux d’exception et aux cours prévotales ; la Chambre qui toléra les conspirations de police ; la Chambre qui laissa violer la Charte impunément ; la Chambre qui prodigua les trésors de l’État aux intérêts dont elle profitait la première ; la Chambre qui abandonna la sûreté individuelle des citoyens à l’arbitraire des ministres ; la Chambre qui poursuivit à outrance la liberté des opinions… qu’étaient-elles ? quel nom leur donner ? La Chambre qui accrut incessamment les traitements des fonctionnaires,