Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exercer jamais, faisant éternellement illusion aux peuples sur la nécessité de sa paresse éternelle, et n’occupant la première place par lui et par ses descendants que pour fermer à une trop haute espérance le cœur des ambitieux. Comment imaginer qu’un roi se puisse contenter de ce rôle imbécile ? Et s’il était un être assez vil pour s’en contenter, comment se préserverait-il du mépris ?

La royauté doit être ou une force ou un symbole. Si, en Angleterre, la royauté n’a pas besoin, pour vivre, d’agir et de gouverner, c’est qu’elle n’y est que la tête d’une aristocratie qui agit et qui gouverne ; c’est qu’elle y représente une association politique qui a, comme elle, l’hérédité pour essence ; c’est, en un mot, qu’il y a identité de nature entre elle et la classe dominante. Mais, en France, qui l’ignore ? l’aristocratie a été détruite de fond en comble ; les priviléges du moyen-âge ont été abolis à jamais ; partout, si ce n’est sur le trône, la transmission du pouvoir politique a été condamnée, et la supériorité des droits du mérite sur ceux de la naissance est devenue le principe constitutif de la classe dominante. Donc, en France, la royauté est une exception au lieu d’être un symbole ; elle représente ce qu’on a cru devoir détruire, au lieu d’exprimer ce qui existe ; elle personnifie l’idée du repos, en présence d’une bourgeoisie qui n’a pris possession de la puissance qu’à force d’activité ; elle s’élève immobile sur un piédestal autour duquel s’agite en frémissant la société la plus mobile de l’Europe. Il faut, par conséquent, dans notre pays, que la royauté soit tout, sous peine de périr ; il faut qu’elle anéantisse le principe électif, arme de la