Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutefois, la pensée de trahir ses collègues n’approcha point de son cœur. Il ne fit rien pour précipiter la chute du Cabinet dont il était membre. Seulement il s’habitua doucement à l’idée de marcher sans ses collègues, si la fortune venait lui faire de nouvelles avances, et s’il se trouvait porté à la présidence du Conseil par le cours naturel des événements.

Mais si M. Thiers n’agissait pas, d’autres agissaient. Le fameux ministère du 11 octobre, sourdement miné, allait tomber enfin. Que fallait-il pour cela ? Une occasion. Et elle ne tarda pas à se présenter…, sans qu’il soit permis d’affirmer si elle naquit du hasard ou du calcul !

Le 14 janvier 1836, le ministre des finances, M. Humann, présentait à la Chambre le budget de l’exercice de 1837, lorsque tout-à-coup on l’entendit déclarer que le moment était favorable pour réduire l’intérêt de la dette publique. A ces mots, un étonnement inexprimable éclate sur le banc ministériel. Le duc de Broglie indique par un geste expressif sa stupéfaction et sa colère, tandis que, se penchant vers lui, M. Thiers lui dit tout bas : « Mettez la main dans votre poche, mon cher duc, vous allez y trouver un événement. » Et en effet, rien n’était à la fois plus imprévu et plus grave que la déclaration de M. Humann. Proposer la réduction de la dette publique, c’était jeter l’alarme parmi les rentiers, agiter la Bourse, affronter les péripéties d’une crise financière. Nous exposerons plus loin cette question, en rendant compte des débats auxquels elle donna naissance ; qu’il nous suffise de dire ici qu’elle était d’une importance