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menaçant de faire feu. Mais lui, écartant de sa main le voile de sang étendu sur ses yeux, il poursuivit sa route, et s’élança, par une fenêtre ouverte, dans une maison voisine. Renverser une femme qui fuyait devant lui échevelée et gémissante, traverser la maison, descendre l’escalier, tout cela ne fut pour l’assassin que l’affaire d’une minute ; mais une traînée de sang indiquait son passage, comme si son propre crime l’eût poursuivi. Il arriva trop tard dans la cour et fut arrêté.

Dans la chambre d’où il s’était enfui on trouva les débris fumants de la machine qui avait servi au forfait. Elle était montée sur une espèce d’échafaudage que soutenaient quatre pilastres liés entre eux par de fortes traverses en bois de chêne. Vingt-cinq canons de fusil s’appuyaient par la culasse sur la traverse de derrière, plus élevée que celle de devant de huit pouces environ. Les bouts des canons posaient sur des entailles. Les lumières étaient en haut et rangées sur la même ligne, de manière à pouvoir s’enflammer d’un seul coup, au moyen d’une tramée de poudre. Telle était la disposition des fusils, que la mitraille qu’ils renfermaient devait prendre le cortège en écharpe et embrasser un vaste carré, en s’élevant des pieds des chevaux à la tête des cavaliers. La charge de chaque fusil était quadruple. Heureusement, les prévisions de l’assassin furent trompées. Deux fusils ne prirent pas feu, quatre crevèrent, et ce hasard fut sans doute ce qui sauva le roi.

La chambre contenait une alcôve, et dans cette alcôve un matelas, plié en deux, laissait lire sur un de ses coins le mot Girard, nom du locataire de