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parvenus à masquer si exactement l’ouverture, qu’il eût été presqu’impossible, en leur absence, de découvrir la trace de leurs travaux. L’activité qu’ils y déployèrent fut prodigieuse. Au bout de quelques jours, la besogne se trouvait terminée : la route mystérieuse s’alongeait sous la prison de façon à en dépasser les limites, et il n’y avait plus qu’une croûte de terre peu épaisse entre les détenus de Sainte-Pélagie et la liberté.

Or, chose remarquable et qui témoigne bien hautement de la puissance de certaines convictions, ceux qui venaient de conquérir si péniblement le moyen d’être libres, ceux-là même s’imposèrent la loi de rester captifs, tant que l’espoir de combattre fructueusement leurs ennemis par la parole ne leur serait pas enlevé. L’évasion fut donc ajournée et le caveau tenu en réserve.

Mais la pairie, ne tarda point, par une aggravation d’arbitraire, à dégager les prisonniers de leurs nobles scrupules. Les débats relatifs aux accusés Lyonnais touchaient à leur fin. MM. Lagrange, Réverchon, Martin, Albert, Hugon et Baune, étaient venus successivement déclarer aux pairs, qu’ils ne les reconnaissaient point pour juges ; et ils s’étaient exprimés chacun suivant la trempe de son caractère ; ceux ci comme MM. Réverchon et Lagrange, avec un emportement terrible ; ceux-là, comme MM. Baune, Albert et Martin[1], avec une dignité pleine de menaces et un calme méprisant. Quelqu’incomplète que fût l’instruction du complot, la

  1. MM. Albert et Martin n’avaient pas été arrêtés. Ils avaient eu la générosité de se constituer eux-mêmes prisonniers.