Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaient soulever un doute. Je parcourais avec bonheur les résultats de mon recensement, lorsque sous ma fenêtre une horrible explosion d’armes à feu m’enseigna bien cruellement que la justice politique est un vain mot, lors même qu’elle est exercée par les hommes les plus honorables.

Des cris infâmes, des vociférations infernales, m’apprirent que des hommes habitués à toutes les exigences de la civilisation moderne, deviennent de véritables cannibales sous l’empire de l’esprit de parti.

Le général qu’on venait d’immoler était le pacificateur de la Suisse, le conquérant du Tyrol ; c’était le héros d’Elchingen de Friedland de la Moscowa ; celui que la grande armée avait salué du titre de brave des braves, et cependant son corps fut abandonné au milieu des ordures parmi lesquelles il était tombé, comme le cadavre d’un animal immonde. Ces événements se sont passés sous mes yeux, Messieurs, ne vous étonnez pas qu’ils aient laissé dans mon esprit une empreinte ineffaçable !

Anathème, anathème éternel aux corps politiques jugeant des délits politiques ! »

En prononçant ces paroles, M. Arago était frémissant ; toute son âme paraissait dans l’altération de sa figure, si majestueuse, si expressive ; et son œil lançait des flammes. La séance fut un moment suspendue. L’assemblée ne vivait plus que dans ses souvenirs. Le lendemain, rendue à ses passions, et fermant l’oreille à la voix de son propre président,