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c’était en pure perte qu’elle autoriserait une constatation dont l’outrageante solennité était si propre, d’ailleurs, à la remplir d’effroi. Une conversation qu’elle eut sur ce point avec M. Deneux donnera a une idée des tourments auxquels était en proie cette malheureuse femme. « J’aime mieux, disait-elle à son médecin, accoucher à Blaye que consentir à la constatation qu’on me demande. Si je fais constater mon état, on ne manquera pas de publier le résultat dans les journaux, et je resterai ici, tandis que la déclaration faite au moment de l’accouchement ne sera pas rendue publique. — Oh. ! pour cela, j’ose affirmer que Madame se trompe. — Comment ! Monsieur Deneux, vous croyez que les ministres oseraient la publier ? — Je ne le mets pas en doute, Madame. — Mais ce serait une infamie qui n’aurait pas de nom. — Ils le feront, Madame, soyez-en sûre. — Eh bien, s’ils le font, je divulguerai ce qui devait rester caché, je dirai le nom de mon époux ; mais, comme les lois françaises m’y obligent pour légitimer mon enfant, l’odieux de cette révélation retombera tout entier sur mes ennemis ; tandis que, si je faisais constater ma grossesse, c’est moi seule qu’on accuserait, et l’on ne manquerait pas de dire que j’ai voulu obtenir ma liberté avant d’accoucher, l’obtenir à tout prix, parce que mon enfant n’était pas légitime. »

Ces considérations la décidèrent, et elle écrivit au général Bugeaud pour lui annoncer son refus[1].

  1. Voici sa lettre :

    « Je ne puis que vous savoir gré, général, des motifs qui vous ont