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éclairé par ses entretiens avec le roi. Au-dessus de la nation frémissante et toute pleine du désir de venger la dignité nationale, il y avait des hommes dont l’âme appartenait à l’amour du gain. C’étaient les mêmes qui avaient fait refuser la Belgique, à cause des mines d’Anzin et des draps d’Elbeuf ! Ils encombraient les avenues du pouvoir, ils formaient la majorité parlementaire, et ils allaient, une fois encore, courber l’honneur de la France sous le joug de leur égoïsme mercantile. On doit, néanmoins, reconnaître qu’un aussi honteux mouvement de peur et de recul n’emporta pas tous les membres de la majorité sans exception. Il y en eut qui, quoiqu’approbateurs du traité, furent d’avis, avec M. Duvergier de Hauranne, que céder devant une menace serait une honte, une calamité publique. Malheureusement, leurs conseils se perdirent dans le tumulte des intérêts particuliers en émoi.

Quant aux ministres, partagés entre la crainte d’allumer la guerre et celle de laisser tomber trop bas le nom de la France, ils avaient pris le parti 1° de demander de nouveau à la Chambre le crédit nécessaire au paiement de la dette américaine ; 2° de rappeler immédiatement M. Serrurier, envoyé français aux États-Unis, et d’offrir ses passeports à M.Livingston, ministre américain à Paris. Les dépêches adressées à M. Serrurier se ressentirent de la double inquiétude qui assiégeait le ministère. Les termes en avaient été pesés avec une prudence minutieuse, et cependant ils n’étaient pas tout-à-fait dépourvus de fermeté. Le roi s’en alarma ; le ministère refusa de fléchir. Et alors, s’il faut s’en