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n’eurent pas le courage d’avoir de la logique. Ils continuèrent donc à plaider la cause de la royauté, tout en cherchant des moyens de la contenir, de l’asservir. Provoqués par la brochure Rœderer, ils résolurent d’y répondre en fortifiant le Cabinet, et ils ne parlèrent plus que de faire rentrer le duc de Broglie au Conseil, entourant ainsi de leurs prédilections l’homme que le roi aimait le moins et craignait le plus.

La rentrée du duc de Broglie aux affaires était, du reste, favorisée par la complète nullité du maréchal Mortier, qui n’était guère autre chose qu’un mannequin respecté. L’interpellait-on, à la Chambre ? Il se dressait de toute la hauteur de sa taille gigantesque, promenait sur l’assemblée des regards pleins d’une anxiété douloureuse, ouvrait la bouche, et ne pouvait que balbutier. Il y avait là, pour le Cabinet, une cause de défaveur et presque de ridicule. Le maréchal Mortier le sentait lui-même. Brave soldat et homme d’honneur, sa dignité en souffrait cruellement, et il était bien décidé à ne pas pousser plus loin le sacrifice arraché, en novembre, à son zèle monarchique.

Ainsi privé de chef, le ministère allait à l’aventure, d’autant que M. Thiers et M. Guizot s’abstenaient également de surveiller l’ensemble, contenus qu’ils étaient, l’un à l’égard de l’autre, par une rivalité prompte à s’émouvoir.

Sur ces entrefaites, la Russie adressa au Cabinet des Tuileries des réclamations pécuniaires entièrement dénuées de fondement. Repousser, à ce sujet, toute négociation eût été peu diplomatique : on