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Au reste, ce gouvernement, si fort en apparence, portait en lui des causes actives de dissolution. Et peut-être le lecteur nous saura-t-il gré de mettre ici au grand jour quelques scènes d’intérieur, bien propres à montrer tout ce que renferme de mesquin et de misérable la vie secrète des monarchies. Rien de plus triste et, souvent, rien de plus instructif que l’histoire de la puissance en déshabillé.

Dans le maréchal Soult, M. Guizot, d’accord en cela avec M. de Broglie, ne voyait qu’un soldat brutal, fier d’un renom que sa capacité ne justifiait pas, affectant un orgueil toujours mêlé de ruse, et grevant le budget outre-mesure par les dispendieux caprices de son administration. De son côté, le maréchal Soult professait pour M. Guizot, M. de Broglie et les doctrinaires, le genre de dédain naturel à l’homme d’épée : il s’irritait de leur morgue, de leur talent surtout. Dans la lutte sourde, née de ces antipathies, M. Thiers avait été long-temps, non pas l’allié du maréchal, mais son défenseur officieux. Car M. Thiers, tout plein des souvenirs de l’Empire, ne put jamais se défendre d’un certain respect pour l’uniforme. Malheureusement, le maréchal Soult avait le goût des subalternes, il aimait à s’entourer de courtisans obscurs. Et ceux-ci, pour se donner auprès de lui une importance, s’étudiaient à l’isoler dans le Conseil, en l’aigrissant contre tous ses collègues. Il en résulta, de sa part, une défiance qui enveloppa bientôt M. Thiers lui-même. Si bien qu’en peu de temps il se forma, dans le Cabinet, une sorte de ligue sous laquelle il était impossible que le maréchal ne succombât point tôt ou tard.