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venait d’être commise, et ils employèrent tous leurs efforts à étouffer cette déplorable querelle. Par suite d’une décision prise dans une assemblée composée de leurs notabilités, les légitimistes déclarèrent qu’ils ne pouvaient consentir à généraliser le débat. Tardive sagesse, insuffisante à tout réparer ! Le 2 février, en effet, MM. Armand Carrel et Roux-Laborie se rendaient sur le terrain. Le combat eut lieu à l’épée et dura trois minutes. Déjà Carrel avait atteint deux fois son adversaire au bras ; mais, en se précipitant, il alla chercher le fer et reçut dans le bas-ventre une blessure profonde. La nouvelle s’en répandit avec la rapidité de l’éclair, et devint aussitôt le sujet de tous les entretiens. Dans les écoles, dans les journaux, à la Bourse, au théâtre, on ne parlait plus que du courage d’Armand Carrel, de son dévoûment, du danger que couraient ses jours. M. Dupin, M. de Chateaubriand lui-même, allèrent s’informer de son état. M. Thiers, dont il avait été en d’autres temps le collaborateur, envoya auprès de lui son secrétaire. On refusait de l’introduire. Qu’il entre, dit Carrel, et s’adressant au visiteur : « J’ai une grâce à demander à M. Thiers : je désire vivement que M. Roux-Laborie ne soit pas inquiété. »

Mais, ainsi qu’on devait s’y attendre, à l’intérêt qui de toutes parts se manifestait pour le magnanime écrivain, se joignait un cri de malédiction contre le pouvoir. Voilà donc, disaient les libéraux sincères, voilà le fruit des affirmations de M. Thiers et du duc de Broglie ! Que le sang versé retombe sur eux ! Sans l’importance qu’ils ont