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cette époque, la ville de Lyon. A certains jours, des clameurs étranges y montaient dans les airs, et l’on voyait alors s’entasser sur les places publiques une population menaçante et hâve, espèce de marée montante qui semblait prête à tout engloutir. Les soldats étaient épuisés de corvées et de veilles, les cavaliers toujours sur le point de monter à cheval. Tantôt c’étaient des chanteurs dont il fallait étouffer la voix, parce que l’accent en avait paru terrible, dans ces jours de trouble universel ; tantôt c’étaient, comme à Paris, les crieurs publics qu’on essayait d’arrêter, au milieu d’une foule en délire. Dans le mois de janvier, l’autorité engagea contre les crieurs une lutte ardente, et fut vaincue. Entre le préfet et le maire de Lyon, entre M. Gasparin et M. Prunelle, l’animosité était au comble : un arrêté du second déjoua les mesures despotiques conseillées par le premier. Protégés par le pouvoir municipal et par la loi, les crieurs publics purent distribuer librement tous les écrits dont la saisie n’avait pas été judiciairement proscrite, et les publications politiques inondèrent la ville.

Tel était, au commencement de l’année 1834, l’état des choses à Lyon et dans les contrées qui l’avoisinent. Le mutuellisme alors entra dans l’arène et compliqua la situation.

Le mutuellisme[1] était l’association des ouvriers en soie, chefs d’atelier ; elle était purement industrielle, et son origine remontait à 1828. Ses statuts

  1. Voir aux documents historiques, n° 7, le Règlement du Mutuellisme.