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jalousie. Quant au portefeuille des affaires étrangères, on l’offrit à M. de Rigny, mais on eut beaucoup de peine à le lui faire accepter. Marin, il se sentait à l’aise dans le ministère de la marine, où sa capacité n’était pas trop au-dessous de sa tache. Se maintiendrait-il au poste où on l’appelait ? Le fil des intrigues diplomatiques ne se romprait-il pas entre ses doigts à chaque instant ? Et comment repousserait-il, à la Chambre, des attaques portant sur tout l’ensemble de la politique européenne ? Le sentiment de son insuffisance le troublait. Il refusa long-temps, et ne se rendit enfin que sur l’espoir de trouver pour appui l’expérience de M. de Broglie et ses conseils. L’amiral Poussin, alors en mission, fut désigné pour le ministère de la marine ; et, sur son refus, lorsqu’on en fut informé, l’amiral Jacob entra dans le ministère.

D’autres changements se préparaient. M.d’Argout, homme très-instruit, très-laborieux, et qui possédait la passion de ces sortes d’affaires qui se font avec des chiffres, M. d’Argout n’avait jeté aucun éclat sur le ministère de l’intérieur, et s’était desservi lui-même dans l’esprit de ses collègues. M. Thiers, au contraire, quoique relégué dans le ministère du commerce, avait partout fait sentir son action et accepter son influence. Ses amis auraient donc volontiers demandé pour lui un portefeuille politique. Mais il tenait sa position pour bonne et n’en voulait point sortir. Peu lui importait que son portefeuille ne fut que secondaire, sa personnalité en ressortait mieux, et il lui suffisait de pouvoir, devant les Chambres, faire sur le domaine de ses collègues de