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On le désirait ardemment pour allié ; l’avait-on acquis ? on tremblait de le perdre. Sa magnanimité même dans l’aveu d’une erreur et son intrépidité dans le changement avaient donné à sa politique une couleur indécise il s’en trouvait glorieusement amoindri. D’un autre côté, pas plus qu’à M. de Chateaubriand, le rôle de chef de parti ne semblait lui convenir. Non qu’il négligeât le côté pratique des choses : il s’en préoccupait au contraire, et même avec une sorte d’anxiété un peu puérile ; comme s’il eût craint qu’il ne lui échappât quelque chose des faveurs de la renommée, et que la poésie ne restât exposée en personne au dédain des gens d’affaires. Mais être chef d’un parti, c’est en dépendre à l’excès. Et lorsque le commandement n’est plus qu’une forme hautaine de l’obéissance, il y faut une abnégation de soi, de ses pensées, et, quelquefois, un servilisme d’ambition, dont les hommes d’inspiration sont incapables. Tribun, M. de Lamartine né pouvait l’être. A la Chambre, on ne lui vit jamais ni cette haine du regard, ni ce geste accusateur, ni ce tressaillement du corps et ces emportements soudains, qui répandent la passion, qui la provoquent, et agissent sur une assemblée comme les vents d’orage sur les flots de la mer. Son geste était solennel ; ses paroles, toutes de pourpre et d’or, tombaient de ses lèvres avec une lenteur cadencée ; c’était avec une dignité froide que sa haute taille se balançait ; et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, le battement de cœur de son éloquence était trop constamment tranquille et trop égal. Mais il est une gloire qui appartient sans contestation à M. de Lamartine. A