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faire avorter. Le contingent était sous les armes ; le bruit du tambour retentissait de toutes parts ; des gendarmes stationnaient aux portes de l’Hôtel de la Navigation ; les barques des bateliers avaient été saisies. Mais les insurgés furent protégés par les sympathies de la population et même par celles du contingent. En arrêtant les hommes de l’expédition, les officiers versaient des larmes, et ils se hâtaient de relâcher leurs prisonniers, sur l’invitation des citoyens. L’autorité fut donc frappée d’impuissance, et la première colonne commença son mouvement sous d’heureux auspices.

Il n’en fut pas ainsi de la seconde. Deux barques étaient parties de Nyon, l’une portant les hommes, l’autre les armes. Une barque du gouvernement passa entre les deux ; les armes furent saisies, les hommes arrêtés et conduits sur le territoire génevois.

Alors, soit que le plan primitivement convenu lui parût défectueux, soit que pour l’exécuter il jugeât indispensable la coopération de la colonne de Nyon, le général Ramorino changea tout-à-coup l’itinéraire de la petite troupe placée sous ses ordres. Au lieu de s’avancer sur Saint-Julien, il se mit à longer le lac. On marcha long-temps vers un but ignoré de tous. Le froid était extrêmement vif. Pas un soldat ne paraissait. Composée, les Polonais exceptés, de jeunes gens propres un coup de main, mais peu habitués à faire de longues routes, la colonne se tramait d’un pas pénible. Tous les visages portaient l’empreinte d’une morne préoccupation, et l’on se communiquait de proche en