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Souvent, il lui arrivait d’admettre le principe, sauf à éluder ensuite la tyrannie des conséquences par de pénibles détours ou des artifices dangereux. Sa politique, pour tout dire, était un provisoire éternel. La proposition que lui faisait M. Thiers n’ayant rien d’impérieux, rien d’actuellement décisif, il n’hésita pas à l’admettre, faute d’en apercevoir la portée et les résultats lointains. Il convient d’ajouter qu’en thèse générale Louis-Philippe, qui avait pris racine dans la paix, se prêtait cependant, et très-volontiers, à toute mesure ayant pour but l’augmentation de l’armée. « Qu’il est beau, disait-il un jour à un de ses ministres qui lui montrait le chiffre des troupes disponibles, qu’il est beau d’avoir sous la main des forces aussi considérables, et de ne s’en point servir ! » Mot qui eût pu paraître philosophique et profond, si, en France, la garde nationale eût été seule employée à contenir les mécontents !

Après avoir obtenu l’agrément du roi pour la levée des 50, 000 hommes, M. Thiers n’eut pas de peine à obtenir l’assentiment du maréchal Soult, ministre de la guerre. Il déplaisait au maréchal, pour lequel il n’avait, de son côté, aucune sympathie ; mais il lui prêtait, devant les Chambres, avec une complaisance si utile le secours de sa brillante parole qu’il avait fini par s’imposer à lui.

Il n’y avait plus à gagner que M. Humann, ministre des finances ; et ici la résistance fut opiniâtre. M. Humann faisait consister le génie d’un grand financier dans l’art des petites économies ; et, de toutes les dépenses, celles qui lui répugnaient le