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Ibrahim ne tarda pas à lui envoyer de riches présents. Le négociateur français était trop mécontent de son œuvre pour les accepter ; il répondit : « On croirait que je vous ai vendu la paix. » Il craignait, en effet, que les conditions accordées à Ibrahim ne parussent exagérées à la diplomatie européenne et n’amenassent des complications funestes.

Dans le temps même où l’on concluait à Kutaya l’arrangement qui rendait l’intervention russe inutile, cette intervention prenait des proportions de plus en plus effrayantes. Un corps d’armée, évalué à 24,000 hommes, se mettait en mouvement, et une division de l’escadre d’Odessa venait jeter 5,000 hommes de débarquement sur la côte d’Asie, vis-à-vis de Bujukdéré et de Thérapia. Il y avait dans un tel luxe de secours superflus une rare insolence. Le sultan les reçut néanmoins avec une affectation de gratitude qui, moins mensongère, n’en eut pas été moins honteuse. Il combla les officiers de marques d’estime et afficha pour la tenue des troupes une admiration bruyante, les flattant par des comparaisons injurieuses pour ses propres sujets, et, jusque dans les plus petites choses, sacrifiant sa dignité impériale au désir de plaire à ses dangereux protecteurs. C’est ainsi qu’après avoir fait promettre son portrait à M. de Varennes, ce qui est considéré en Turquie comme une haute faveur, il n’hésita pas, l’arrangement de Kutaya une fois conclu, à revenir sur sa promesse, de peur de mécontenter la Russie, qui feignait d’être irritée de l’importance des concessions obtenues par Ibrahim. Instruit de ce manque de parole et de ce que