Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nople aux mains de la Russie. Pour Constantinople, Alexandre laissait l’Europe à Napoléon ; et Napoléon ferma l’oreille à d’aussi brillantes avances, jugeant d’un prix inestimable la possession du Bosphore ![1]

D’un autre côté, l’alliance franco-russe appelait l’accession de la Prusse ; et en abandonnant à la Prusse une part des dépouilles de l’Autriche, nous étions autorisés à revendiquer la ligne du Rhin, en même temps que nous secondions le mouvement qui pousse l’Allemagne vers l’unité et tend à lui donner Berlin pour capitale.

Ainsi donc, et pour nous résumer : En présence de l’empire ottoman condamné à une mort inévitable, la politique de la France révolutionnaire,

  1. Mais n’y aurait-il pas eu là pour l’ensemble des intérêts européens représentés par la France un danger immense ? Oui, si nous n’avions pas eu soin de stipuler pour nous des compensations propres à garantir à jamais notre indépendance. Et voilà pourquoi ce n’eut pas été trop de l’Égypte, de Rhin, en échange de Constantinople.

    Ces conditions admises, le danger disparaissait. D’autant que la pente de la Russie est vers l’Asie, suivant l’expression de M. de Lamartine.

    M. de Lamartine est de tous nos hommes d’État celui qui a vu le plus clair dans la question d’Orient. Il ne pouvait échapper à cette haute et noble intelligence que la chute de l’empire ottoman était le signal de la régénération du monde oriental par le monde occidental. Seulement et sur ce point nous ne pouvons être d’accord avec lui il aurait voulu le protectorat de la Russie à Constantinople, celui de la France en Syrie, et celui de l’Angleterre en Égypte. Ce serait donner la Méditerranée aux Anglais et leur laisser les Indes. Nous maintiendrions-nous en Syrie, resserrés entre les Russes et les Anglais ? Et combien petite serait la compensation que nous réserverait un système qui livrerait aux premiers Constantinople et aux seconds Alexandrie. Car ce que M. de Lamartine appelle un protectorat se changerait bien vite en souveraineté. La France réduite au protectorat orageux de la Syrie ? Mais, pour Constantinople abandonnée aux Russes, Napotéon trouvait que l’Égypte elle-même, devenue française, n’eut pas été un dédommagement suffisant !