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faire sans injustice ? oui. Car, où les Turcs avaient-ils puisé leurs droits de souveraineté sur les provinces occupées par eux ? dans la conquête. Or, la conquête ne se légitime qu’en effaçant ses violences par ses bienfaits. Lorsque le peuple conquérant n’a pas su s’assimiler les races conquises en leur faisant aimer sa civilisation ou en acceptant la leur, sa domination resté à l’état de tyrannie : forte, qu’on la subisse, ce sera bien ; faible, qu’on la renverse, ce sera mieux. Les Turcs avaient-ils cherché à effacer entre eux et les populations subjuguées la ligne de démarcation tracée par la victoire ? Loin de là : ils n’avaient songé qu’à rendre permanente la brutalité originaire de leur conquête, refusant aux peuples qu’ils avaient soumis l’égalité des droits civils et politiques, les traitant d’infidèles, les foulant aux pieds comme des vaincus. C’en était assez pour justifier l’intervention de l’Europe occidentale, d’autant que l’Europe était chrétienne, et qu’en dépossédant les sectateurs de. Mahomet, elle affranchissait en Orient les adorateurs du Christ.

La dépossession des Turcs était en outre réclamée par le plus profond et le plus sacré des intérêts de la civilisation. En effet, 7 millions d’hommes épars sur 86 mille lieues carrées, voilà ce qu’était la Turquie d’Europe et d’Asie. 97 millions d’hommes resserrés dans un espace de moins de 86 mille lieues carrées, voilà ce qu’étaient la France, l’Angleterre, l’Espagne, la Belgique et la Suisse réunies. De sorte que, sous l’influence du fatalisme, des mœurs auxquels il s’associe et des vices qu’il couve, de magnifiques contrées étaient devenues presque désertes,