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primées, acquises d’avance à la révolte, portant dans leur sein la guerre civile, et éparses sur une étendue de terrain de 86 mille lieues carrées. Un tel empire était évidemment à conquérir ou à partager. De quoi se composait-il, en effet ? de la Moldavie et de la Valachie ? Mais déjà le protectorat russe les couvrait ; de la Bulgarie ? mais elle n’attendait plus qu’une occasion pour se soulever ; de la Servie ? mais, entièrement chrétienne et fière d’une insurrection victorieuse, elle voulait vivre sous la domination d’un prince particulier ; de l’île de Chypre ? mais elle ne contenait qu’une centaine de Turcs, perdus dans une population de 50, 000 Grecs cypriotes ; de la Syrie ? mais elle se partageait entre des populations essentiellement diverses : ici, dans les villes du littoral, des chrétiens ; là, dans la partie méridionale confinant au désert, des Arabes ; dans les montagnes, les Druses, peuple idolâtre ; sur le Liban, les Maronites, peuple catholique… Restait donc Constantinople, mise d’avance à la merci de toute flotte russe, partie de Sébastopol. Ajoutez à cela que, pour rendre plus courte encore l’agonie de cet empire si peu compact, un homme s’élevait en Égypte qui nourrissait l’impatient désir de le démembrer, homme à la fois prudent et hardi, magnanime et rusé, soldat parvenu, dont les veines étaient remplies de ce sang qui donne la soif des conquêtes, novateur en despotisme, apprenti-missionnaire de la civilisation en Orient, trop artificieux pour nier son maître, mais trop orgueilleux, trop grand et trop fort pour le subir. Une révolte de Méhémet-Ali contre la Porte, en fallait-il davan-