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retentirent bientôt en France, du nord au midi, de l’est à l’ouest ; et, pour donner plus de solennité à l’accusation, M. Dupin aîné lut à l’audience de rentrée de la Cour de Cassation, un discours dans lequel il présentait la république comme menaçant « de mettre chaque propriétaire à la portion congrue. »

Jamais calomnie plus téméraire n’avait été lancée contre un parti dans un langage plus grossier. Pour toute réponse, les feuilles républicaines rappelèrent en quels termes Robespierre avait développé devant la Convention la définition donnée par lui au droit de propriété :


    Le droit absolu de propriété serait, comme la liberté absolue, incompatible avec l’état de-société. Aussi, l’homme social est obligé de faire le sacrifice d’une portion de sa propriété, comme il fait le sacrifice d’une portion de sa liberté pour que l’autre portion de sa propriété lui soit garantie. Dès-lors, le droit de propriété, dans l’état de société ne doit être défini rationnement qu’en ces termes : le droit de jouir de la portion de biens garantie par la loi.

    3° La définition considère la propriété sous son aspect véritablement utile à l’homme.

    Le droit de propriété réellement utile à un homme, ce n’est pas le droit de se dire propriétaire de telle terre ou de tel capital, mais c’est la jouissance libre et garantie des revenus et des fruits de cette terre ou de ce capital. Un exemple va rendre la pensée sensible : si la loi garantissait votre droit de propriété sur une terre, mais si, en même temps, elle frappait le revenu d’un impôt qui l’absorbât, la loi ne vous garantirait qu’un droit de propriété vague et inutile, un parchemin. La propriété utile consiste donc principalement dans la jouissance et la libre disposition du revenu.

    Mais jamais personne n’a mis en doute, je pense, que la société n’eût le droit de prélever une portion annuelle du revenu sous le nom d’impôt ou de contribution. Dès-lors la société ne laisse aux propriétaires, ne garantit aux propriétaires qu’une portion du revenu, c’est-à-dire, de la propriété utile.

    La propriété est donc encore, même pour les partisans du droit naturel, le droit de jouir de la portion de biens, de la portion de revenus garantie par la loi.