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Ce n’est pas tout : comme s’ils eussent craint de ne pas avoir assez complètement sacrifié l’État à l’égoïsme individuel, les ministres eurent soin d’embarrasser l’expropriation pour cause d’utilité publique de formes si lentes, si minutieuses, si compliquées, qu’elles devaient en mainte occasion apporter un obstacle invincible à l’exécution des travaux publics.

Et cependant le projet fut adopté par les deux Chambres, après une discussion qui montra combien était dépourvue de grandeur et d’équité la domination de la bourgeoisie. Il était dit, par exemple, dans le projet, que, lorsque l’exécution des travaux exécutés sur une partie de la propriété serait de nature à augmenter la valeur des autres parties, cette augmentation entrerait en ligne de compte dans l’évaluation de l’indemnité. Rien de plus juste assurément ; car, puisqu’on tenait compte des dépréciations, pourquoi n’aurait-on pas tenu compte de la plus-value ? Eh bien, ce principe de la plus-value, M. Molé osa, dans la Chambre des pairs, l’appeler un principe redoutable, odieux ; et, pour prouver qu’il était injuste, M. Villemain fit remarquer qu’il rendait les propriétaires spéculateurs malgré eux, et leur offrait comme paiement une chance de profit dont ils pouvaient, à la rigueur, ne pas se soucier ! On doit cette justice au gouvernement qu’il ne négligea rien pour défendre le principe en

    Depuis, on a vu des jurys de propriétaires condamner l’État à payer aux propriétaires dépossédés pour cause d’utilité publique, une indemnité beaucoup plus considérable que celle que ces propriétaires dépossédés avaient eux-mêmes demandée ! Ce fait dispense de tout commentaire.