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vainqueurs entourèrent d’une protection spéciale les riches hôtels de ceux des fabricants qui s’étaient montrés le plus impitoyables. On alluma cependant un grand brasier devant le café de la Perle et devant la maison Oriol, d’où les fabricants avaient tiré sur le quartier des Broteaux pendant toute la journée du 22. Les meubles et les marchandises que ces maisons renfermaient furent précipités dans les flammes. Là se bornèrent les vengeances populaires. Mais rien ne fut dérobé, et le peuple fusilla sur place deux hommes qui s’enfuyaient avec des paquets sous le bras. Ceux des ouvriers qui ne passèrent pas la journée à garder les propriétés des fabricants, s’employèrent à effacer les sanglants vestiges du combat. Les uns faisaient le service d’infirmiers dans les salles de l’Hôtel-de-Ville où avaient été établies des ambulances les autres s’occupaient à faire des brancards et à transporter à l’Hôtel-Dieu les blessés, qui bientôt s’y trouvèrent réunis au nombre de trois cents ; d’autres, enfin, s’en allaient cherchant par la ville les cadavres de leurs amis disparus. Besogne poignante et qui, pour beaucoup, fut inutile, un grand nombre de victimes ayant été jetées dans les deux fleuves !

Pendant que les ouvriers se livraient à ces soins pieux, les bourgeois, revenus de leur stupeur, songeaient au lendemain et prenaient leurs mesures. Déguisés en ouvriers, ils allèrent, quand la nuit fut venue, se mêler à tous les postes, de sorte que, pour se faire reconnaître et obéir, les anciennes autorités n’eurent plus qu’à se montrer. Le soir, en effet, à la lueur des torches, M. Dumolard sortit