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bataillon de garde nationale, placé sous le commandement de M. Prévost, résistait avec beaucoup de vigueur, lorsqu’on apporta un écrit du général Ordonneau, qui enjoignait à ce bataillon de battre en retraite. Le commandant Prévost ignorait la captivité du général : il obéit.

Pendant ce temps, des hommes armés entouraient M. Bouvier-Dumolard, retenu prisonnier, et le sommaient énergiquement de signer des ordres pour la délivrance de quarante mille cartouches et de cinq cents gargousses. Il s’y refusa ; mais autour de lui régnait une agitation formidable. On avait jeté sous ses fenêtres quatre cadavres, et ce cri avait été poussé : « Voilà quatre victimes ; il en faut une cinquième pour les venger ! » Ces paroles exprimaient un sentiment que tous les ouvriers ne partageaient pas. Plusieurs d’entre eux et Lacombe, un de leurs chefs, entourèrent le préfet de prévenances. Ils lui offrirent même de le faire évader sous un déguisement, à travers des jardins. Une semblable tentative n’était pas pour lui sans honte et sans périls. Vers la fin du jour, il se présenta aux ouvriers et leur dit : « Écoutez-moi : si vous croyez un seul instant que j’aie trahi vos intérêts, retenez-moi en otage mais, si vous n’avez rien à me reprocher, laissez-moi retourner à mon administration, et vous verrez que je ne cesserai d’agir en bon père. » Émus par ce discours, les uns voulaient qu’on lui rendit la liberté ; les autres, plus soupçonneux, repoussaient tant de générosité comme une imprudence. Enfin, vers huit heures du soir, il fut relâché, et descendit à Lyon au milieu