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cer d’avance contre les générations nées et à naître, sans examen, par anticipation, sans savoir quel sera celui que vous condamnez ! … Un de vos orateurs disait naguère à cette tribune : « En France, la proscription absout. » Eh bien, ce mot profond et vrai a jugé votre loi ! Ainsi, un prétendant arrivera en France on avertira l’autorité du danger que peut courir la sécurité publique. Mais qu’un proscrit, condamné d’avance, y vienne, où trouverez-vous un homme qui ira frapper sur l’épaule du bourreau, en lui disant : « Regarde cette tête royale, reconnais-là, et fais-la tomber ? » Ce n’est pas en France que vous trouverez cet homme. » À ces mots, l’orateur s’arrêta, vaincu par son émotion, que partageait toute l’assemblée. Puis, reprenant, il raconta qu’au temps où il avait eu le malheur d’être ministre, un régicide, un proscrit, ayant été découvert sur cette terre de France où il lui était interdit de paraître, le ministère, loin de le faire arrêter, s’empressa de protéger sa retraite. « Le vieillard, continua M. de Martignac, fut soigné, car il était malade ; il reçut des secours, car il en avait besoin ; il fut conduit, avec les égards dus à sa vieillesse et à son malheur, jusqu’à la frontière. Je rendis compte ensuite de ce que j’avais fait ; et je fus approuvé alors comme je le serais par vous aujourd’hui. » Oui ! oui ! s’écria-t-on de tous les points de la salle, et la sensation fut profonde, quand l’orateur ajouta : « Que serait-ce donc s’il avait été question de la peine de mort ? Je crois en vérité que je ne vous en aurais pas parlé ! »