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gues et Barrault à cinquante francs d’amende seulement. La famille avait écouté l’arrêt avec le plus grand calme ; elle reprit la route de Ménilmontant, à travers une foule immense qui s’étendait du Palais de Justice à l’Hôtel-de-Ville. La plupart regardaient passer les saint-simoniens avec un étonnement muet ; quelques-uns murmuraient le nom du Père ; d’autres poussaient des cris injurieux.

Les condamnés se pourvurent en cassation ; mais le rejet du pourvoi et l’emprisonnement d’Enfantin devinrent bientôt le signal de la dispersion de la famille. Elle ne fut pas dissoute, néanmoins. Elle avait profité de l’intervalle qui s’écoula entre le jugement de la cour d’assises et le rejet du pourvoi en cassation, pour envoyer dans diverses parties de la France des missionnaires revêtus de l’habit apostolique ; et l’épreuve qu’elle venait de traverser semblait avoir accru son ardeur. Dispersée, et plus tard absorbée par le milieu social qu’elle avait si hardiment combattu, elle continua en quelque sorte son existence collective, grâce au lien mystérieux des sentiments et des idées. Or, cette parenté indestructible fut le résultat de la réunion des saint-simoniens à Ménilmontant. Jusqu’alors, et quoiqu’ils eussent déjà donné à leur association le nom de Famille, ils n’avaient formé qu’une école : ce fut dans la maison d’Enfantin que commença, pour eux, la famille. Dans la rue Monsigny, bruyant laboratoire de leur doctrine, ils n’avaient eu ni le temps ni le repos nécessaires pour s’étudier mutuellement comme individus : c’est ce