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des parfums s’exhalant de la chevelure dénouée de ses danseuses, sous la pluie de lumière tombant de son lustre, devant ces gracieuses phalanges de femmes légères passant au travers des riches peintures et des sons d’une musique énivrante, les sens manquaient-ils d’excitations fortes, la chair manquait-elle d’adorateurs ? La loi chrétienne n’était donc pas observée ! Eh ! comment aurait-elle pu l’être ? En disant anathème à la chair, le christianisme l’avait poussée à la révolte et à une révolte pleine d’affreux désordres. Quel spectacle, en effet, présentait au moraliste cette société au nom de laquelle on accusait les saint-simoniens d’immoralité ? Sur vingt-neuf mille enfants nés dans Paris, prés de dix mille avaient été conçus dans des embrassements illégitimes ; les colléges étaient infectés de vices par qui les enfants étiolés devenaient vieux avant d’avoir atteint l’adolescence ; les amours étaient souillés d’un horrible venin qui empoisonnait jusqu’aux mamelles des nourrices ; on ne pouvait faire un pas dans les rues sans s’y heurter au libertinage patenté ; et naguère encore, au Palais-Royal, dans le même palais qui abritait la reine et sa jeune famille, la prostitution avait son sanctuaire impur. Que parlait-on de la famille, dans une société où l’adultère était enseigné sur tous les théâtres, chanté par tous les poètes, représenté avec charme par tous les artistes, paré dans tous les romans des grâces de l’imagination et couvert par la sainteté de l’amour ? On avait cru flétrir le saint-simonisme en prononçant ce mot : le droit du seigneur. Le droit du Seigneur ! il existait dans la société que les saint-simoniens voulaient